Foutus emballages! / Ariane Krol / La Presse
Trois pommes coincées entre un plateau de styromousse et une pellicule moulante. Un minuscule gadget électronique perdu dans un gros écrin de plastique thermoformé. Qui n’a jamais pesté contre un emballage superflu, ou failli se blesser en l’ouvrant? Le consommateur qui se plaint, cependant, a souvent l’impression que personne ne l’écoute. Mais le vent est en train de tourner…
Le quotidien britannique The Independent, qui vient de se lancer en croisade contre le suremballage, a été enseveli sous les témoignages des lecteurs. Les politiciens, y compris le premier ministre Tony Blair, ont massivement exprimé leur appui. Sans compter l’appel à la fronde du ministre de l’Environnement qui, il y a deux mois, suggérait aux consommateurs de se débarrasser de leurs emballages superflus à la caisse des supermarchés!
Il y a 15 ans, l’Allemagne a fait figure de pionnière en rendant les entreprises responsables des emballages qu’elles produisent. Mais bientôt, toute l’Union européenne devra répondre à des exigences plus élevées en matière de recyclage.
Le Québec, lui, traîne la patte. Pourtant, il ne manque pas grand-chose. Un règlement, adopté en mars 2005, prévoit que les entreprises devront payer 50% de la facture de la collecte sélective, au prorata des quantités et du type d’emballage qu’elles mettent en circulation. Éco Entreprises Québec, qui représente le privé, et Recyc-Québec ont déjà approuvé la grille tarifaire. Il ne reste qu’à la publier dans la Gazette officielle pour pouvoir cotiser les sociétés, une formalité qui aurait dû se régler l’automne dernier.
Le problème, c’est qu’on attend encore le feu vert du Conseil des ministres. Le document devrait être soumis au cours des prochaines semaines, nous dit-on chez le ministre de l’Environnement. Est-ce trop demander de le placer sur le dessus de la pile? Laisser traîner des dossiers en période préélectorale n’est jamais une bonne idée, surtout lorsque des sommes importantes sont en jeu – il s’agit d’aller chercher 54 millions pour les années 2005 et 2006.
Il faut procéder sans tarder et surtout, résister à la tentation de consulter à nouveau. Éco Entreprises a déjà fait le tour de la question avec l’industrie et c’est un nombre limité de sociétés (environ 2500) qui, en raison de leurs activités, acquitteront plus de 90% de la note. De plus, ce nouveau règlement n’a rien de révolutionnaire: l’Ontario cotise déjà ses entreprises depuis trois ans.
Reste à voir si ce principe du pollueur-payeur incitera les manufacturiers et les détaillants à réduire leurs emballages. L’expérience allemande porte à le croire. Mais un autre facteur va accélérer le processus: la hausse des prix de l’énergie, qui affecte à la fois les coûts de production et les frais de transport.
C’est ainsi que Danone a réduit, sans tambour ni trompette, le poids de ses bouteilles d’eau et de ses pots de yaourt fabriqués au Québec de 10% en moyenne. Le géant Wal-Mart, lui, a lancé une offensive mondiale en demandant à ses fournisseurs d’alléger leurs emballages de 5%. Les plaintes des consommateurs ne peuvent que les encourager dans cette voie.