Emballages écoresponsables au Québec: encore du chemin à parcourir
Alors que le colloque Produire et consommer autrement se tient à Montréal jusqu’à ce soir, on estime que les déchets d’emballage de notre société de consommation remplissent près du tiers de nos poubelles.

On connaît tous les fruits et légumes emballés dans des barquettes de styromousse, entourés d’un film plastique et placés dans un sac… Ou les formats collation qui multiplient les emballages. Pour Jeannot Richard, vice-président des opérations et du développement à Recyc-Québec, les emballages représentent encore «un défi pour une société en croissance comme la nôtre, où de nouvelles matières sont sans cesse générées par la consommation».

«Nous avons besoin d’une approche plus responsable en ce qui concerne la gestion de nos ressources, précise Sylvain Allard, professeur en design à l’UQAM. En matière d’écoemballages, tout reste à faire.»

En généralisant l’usage du panier de recyclage et la consigne pour les bouteilles de bière, le Québec a fait un premier pas vers la valorisation des emballages, mais cela demeure insuffisant, selon le professeur. Seules quelques entreprises innovatrices ont créé des procédés de recyclage de leurs matières à l’interne, pour les bouteilles d’eau notamment.

Pénaliser les ressources non renouvelables
«Il faudrait des lois ou un système de taxation afin de valoriser les matières renouvelables et de pénaliser l’usage de celles qui ne le sont pas», estime M. Allard.

Pour l’instant, le gouvernement a misé sur deux textes : la Loi 130, qui instaure une taxe sur la quantité de matières envoyées à l’élimination, et la Loi 102, qui oblige les entreprises à contribuer au financement de la collecte sélective à hauteur de 50 % depuis 2005.

«Les matières plus difficiles à trier, comme les poly-styrènes, peuvent avoir un coût de 5 à 10 fois plus élevé que d’autres plastiques (PET, HDDE…) plus faciles à recycler», explique Maryse Vermette, PDG d’Éco Entreprises Québec (EEQ). Cette année, EEQ a reçu pas moins de 47 M$ de la part des entreprises, et le montant perçu grâce à ces deux lois pourrait encore être augmenté prochainement par le gouvernement.

Un gain pour tous
Si l’on connaît les obstacles, on oublie souvent que tout le monde a quelque chose à gagner en pratiquant l’écoconception, y compris les entreprises. «C’est l’occasion pour elles de prendre une longueur d’avance sur leurs concurrents et de réduire leurs coûts (matière et transport), puisque l’emballage représente jusqu’à 15 % du prix de vente d’un produit», précise M. Allard.

Reste que de tels efforts ne feront pas disparaître la problématique des emballages. Selon Lysianne Panagis, coordonnatrice d’Action RE-buts, les citoyens doivent prendre leur place et ne pas sous-estimer leur pouvoir d’influencer les industriels. «Les entreprises sont à l’affût des produits qui se vendent mieux que les autres, souligne-t-elle. Au consommateur de dicter ses choix.»

Si les citoyens peuvent faire entendre leur voix au moyen de courriels adressés aux compagnies, André Porlier, directeur général du Conseil régional de l’environnement de Montréal, estime que leur rôle demeure complexe et limité. «Les consommateurs peuvent se plaindre des produits suremballés auprès de leurs détaillants, indique-t-il. Mais souvent, ces derniers ne sont même pas responsables de l’emballage des produits.»

Et ailleurs?
Selon plusieurs experts, l’Europe aurait une longueur d’avance en ce qui concerne la conservation des produits et la protection du consommateur. «Entre les exigences européennes et la crise de la vache folle, l’Europe a subi dès 1992-1994 une série de contraintes qui ont obligé les entreprises à mettre en place des pratiques pour améliorer les technologies», estime Thierry Varlet, président de France Emballages.

Éco Emballages, cousine d’Éco Entreprises Québec, est chargée de recueillir la redevance payée par les entreprises pour l’enlèvement des ordures ménagères. Seul bémol : la communauté européenne veut que chaque pays puisse soutenir la filière de recyclage de son choix. Résultat : «En Belgique, on soutient beaucoup l’industrie papetière, alors qu’en France, ce sont plutôt certains plastiques qui ont la faveur, et en Allemagne, on privilégie la consigne, souligne M. Varlet. La collecte du verre en apport volontaire fonctionne aussi très bien en France. En Allemagne, on trie même les verres blancs des verres colorés.»

MARIE LYAN
MÉTRO
20 octobre 2009 00:15